DIRECTION LA TERRE DE FEU…
En novembre 2017, de Buenos Aires en Argentine, je mettais les voiles avec deux autres équipiers sur un catamaran de 14 mètres en direction d’Ushuaia à la Terre de Feu. Je n’imaginais pas encore que ce voyage de quelques semaines se transformerait peu à peu en circumnavigation.
La Patagonie, de la côte argentine jusqu’à la côte chilienne, ainsi que la Terre de Feu, sont réputées pour être des endroits très venteux et difficilement navigables en raison des vents hurlants des quarantièmes et des cinquantièmes parallèles qui donnèrent du fil à retordre aux premiers explorateurs tout comme ils en donnent encore aux marins des temps modernes.
On compte environ 50 bateaux qui empruntent cette route chaque année (ce qui est très peu !) bien que le nombre ait tendance à augmenter légèrement chaque année. Les raisons d’un si petit nombre sont simples : peu de yachties désirent s’aventurer pendant plusieurs mois au sein d’un climat rude et de terres complétement désertiques. De plus, naviguer dans les canaux peut prendre beaucoup de temps, car il est dangereux (et interdit) d’y naviguer de nuit. La marine chilienne exige d’ailleurs les bateaux à avoir de considérables réserves de carburant en cas de problèmes ainsi que de la nourriture pour au moins deux mois, car il faut bien le dire : il y a très peu d’endroits dans le monde qui soient aussi reculés que l’intérieur de la Terre de Feu et de la Patagonie!
Sur la côte de l’Argentine, nous voyons le paysage défilé et changé au fil des jours. Du climat tempéré et des plages de Mar del Plata aux collines rases et désertiques du Sud, nous amorçons notre descente vers le bout du monde. Nous apercevons d’étranges nuages que nous appelons respectivement « cigarette clouds » puis « Mordor clouds » à mesure qu’ils se transforment sous nos yeux.
Nous nous arrêtons à plusieurs endroits dont San Blas, un petit village de pêcheurs où nous nous réveillons au matin encerclés de flamands roses et déambulons sur la plage.
L’un des membres de l’équipage nous quitte pour retourner à Buenos Aires et nous continuons notre périple à deux vers Isla Leones, une toute petite île à l’Est de la côte où l’on assiste à un spectacle grandiose, celui de voir des milliers de manchots et d’otaries entassés sur la plage de galet. Nous restons plusieurs heures à les contempler, notre silence contrastant avec leurs cris, notre solitude au milieu de leur multitude; nous nous sentions au coeur d’un reportage du National Geographic.
Notre route se poursuit ensuite vers Caleta Horno, une crique à l’eau turquoise. Considéré comme le meilleur mouillage de la côte argentine, nous pouvons y laisser le bateau en toute quiétude et en profiter pour nous aventurer sur terre pour profiter des jolis paysages.
Deux jours plus tard, il faut mettre les voiles, et vite ! Nous avons une chance de pouvoir traverser le golfe San Jorge, d’une longueur de plus de 240km, en profitant de conditions pas trop désagréables, chance qui, d’après le rapport météo, ne se représentera pas avant plusieurs semaines!
Après quelques jours de navigation, nous apercevons au loin Isla de los Estados (l’Île des États), île mythique et désertique qui inspira le dernier livre des Histoires extraordinaires de Jules Vernes, Le phare du bout du monde. Le phare est toujours là, il se dresse fièrement au Nord-Est de l’île et a d’ailleurs été nommé monument historique de l’Argentine.
Le relief montagneux de l’île se dessine peu à peu devant nous à mesure que le bateau surfe sur les vagues de deux mètres.
Nous arrivons finalement au mouillage Puerto Hoppner, protégé des vents, où nous devons nous amarrer à terre, technique la plus fréquente dans cette région du monde, qui consiste à porter les aussières (cordages) et à les nouer à de gros arbres ou de gros rochers sur terre. À chaque mouillage, l’un de nous doit donc manoeuvrer le bateau et préparer les aussières et l’autre sauter dans l’annexe et se rendre sur terre pour les attacher.
Le bateau sécurisé, nous nous aventurons sur la terre ferme et nous nous rendons au sommet de l’un des monts dans une randonnée qui s’avérera assez périlleuse et venteuse !
Les jours passés sur l’île désertique seront magiques, dignes d’un film de survivants au coeur d’un paradis froid. Au bout d’une semaine, nous devons finalement dire adieu à l’île car le temps file et les provisions s’amenuisent…
Nous faisons notre entrée dans le canal de Lemaire sous 45 noeuds de vent, puis dans le magnifique canal Beagle jusqu’à notre arrivée à la Fin du monde : Ushuaia.
Suite aux derniers jours de riz blanc et de haricots naît une tradition sur le bateau : la dégustation d’une bonne bière et d’une pizza après un long passage et un retour à la civilisation!
Restez à l’affut pour la suite de l’aventure 🙂 !!!
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-LeBackyard-